• Clair de lune

     

    Clair de lune


    La lune était sereine et jouait sur les flots. 
    La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
    La sultane regarde, et la mer qui se brise,
    Là-bas, d’un flot d’argent brode les noirs îlots.

    De ses doigts en vibrant s’échappe la guitare.
    Elle écoute… Un bruit sourd frappe les sourds échos.
    Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
    Battant l’archipel grec de sa rame tartare ?

    Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,
    Et coupent l’eau, qui roule en perles sur leur aile ?
    Est-ce un djinn qui là-haut siffle d’un voix grêle,
    Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?

    Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? 
    Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
    Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
    Du lourd vaisseau, rampant sur l’onde avec des rames.

    Ce sont des sacs pesants, d’où partent des sanglots.
    On verrait, en sondant la mer qui les promène,
    Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine… 
    La lune était sereine et jouait sur les flots.

    2 septembre 1828

    Victor Hugo, Les Orientales, 1829

     

    Clair de lune


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